Entre 1942 et 1956,
quand on voulait apprendre à jouer de la Cabrette, on se posait
deux questions : où trouver un instrument ? Où trouver un
professeur ? Seulement voilà, il n'y a pas de professeur et il
est difficile, sinon impossible, de se procurer une Cabrette ; la plupart
des grands fabricants (Dufayet, Costeroste, Amadieu...) ont disparu et
peu d'artisans en confectionnent. Le dernier facteur connu est Dufayet.
Il arrête la fabrication en 1938 et décède en 1939.
En 1943, Joseph Lagaly est le seul Cabrettaïre qui accepte d'enseigner
la Cabrette (Pierre Ladonne est prisonnier de guerre) Il apprend la Cabrette
à quelques apprentis comme : Jacques Berthier, Georges Soule, Maurice
Pradeyrol, et quelque fois Marcel Marginier.
En 1946, la "Société Amicale des Cabrettaïres,
des Viellistes et Accordéonistes du Massif Central" créée
en 1923 par Martin Cayla recense quarante trois Cabrettaïres. En
1956, elle n'existe plus guère que par son "annuaire"
En 1948, Yvonne Franques monte à Paris avec sa Cabrette et apprend
la Cabrette avec Henri Chaliès au côté de Jo Ayrignac.
Yvonne est la première dame à jouer de la Cabrette.
La Cabrette est dans l'impasse, c'est le déclin
Pour la sortir
de l'ornière dans laquelle elle est tombée, Jacques Berthier
a l'idée de créer une amicale de Cabrettaïres. Il en
fait part à Marcel Marginier, Roger Aldebert, Christian Boissonnade,
Jean-Louis Fournier, Georges Soule, Jo Ayrignac et fait passer une annonce
dans l'Auvergnat de Paris. Ils font leur première réunion
à la brasserie Henri IV chez M. Maragonis où ils voient
apparaître Claude Séguret, René Rouquet, François
Hugon et quelques autres qui désiraient apprendre à jouer.

La première réunion a lieu chez Jacques Berthier. Deux mois plus tard,
la réunion constitutive se déroule à la "Brasserie Henri IV". Entre temps,
Marcel Laval, Jean Levoltry, Maurice Pradeyrol, et Gilbert Murat les ont
rejoint. Marcel Laval est commissaire de police, Jean Levoltry est l'accordéoniste
des Corrèziens de Paris. Gilbert Murat, élève de Roger Aldebert, est danseur
au "Folklore". "Le Folklore" est une association qui regroupe des danseurs,
leur président est M. Gatagap. La plupart sont des rémouleurs et des blanchisseurs
originaires du Lot.
Le 23 avril 1956, l'association "Cabrettes et Cabrettaïres" est créée.
Jacques Berthier en est le président, Marcel Laval le Vice-Président.
Leur dessein commun est d'oeuvrer pour la sauvegarde et l'illustration
de notre précieux patrimoine instrumental, former de jeunes musiciens
et relancer la fabrication de la Cabrette. Ils ne veulent surtout pas
être une association musicale ou folklorique car Il est important que
Cabrettes et Cabrettaïres, ne soit pas en concurrence avec la "Société
Amicale des Cabrettaïres, des Viellistes et Accordéonistes du Massif Central"
dont Henri Chaliès est le secrétaire et Marcel Bernard le président. D'ailleurs,
ils ont pu compter sur leur soutien inconditionnel puisque jusqu' ils
ont toujours assisté aux banquets. Marcel Bernard a participé au jury
des concours de Cabrettes et Jean Bonal a été président d'honneur de l'association.
En juin 1956, Louis Bonnet, Président de la Ligue auvergnate et du Massif
Central, propose à Jacques Berthier, d'adhérer à la Ligue Auvergnate et
du Massif central, offre qu'il décline; indépendance d'abord! Ce qui n'empêche
pas Louis Bonnet d'annoncées gratuitement en première page de "l'Auvergnat
de Paris" les réunions hebdomadaires du vendredi. Il souhaite également
que le président soit invité aux déjeuners mensuels de la Ligue, et que
"Cabrettes et Cabrettaïres" participe à l'orchestre de la "Nuit Arverne"
dirigé alors par Joseph Aygueperse. 
Les premiers banquets de la société sont présidés par Louis Bonnet ou
sa maman.
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Le Docteur Joseph
Ayrignac, Président de "La Solidarité Aveyronnaise", proposa aussi à l'association
d'adhérer à la Solidarité, offre également déclinée. Ce qui n'empêcha
pas la Solidarité d'organiser trois matinées dansantes, trois ans de suite,
salle Danton. S'il y avait un déficit, il était pour la Solidarité, mais
s'il y avait un bénéfice, et ce fut toujours le cas, il était intégralement
pour l'association.  Monsieur
Jean Chantegrelet, Président de la Nasbinalaise, instigateur du
concours de bourrées, organise deux ou trois matinées dansantes
dont le profit revient également à l'association. C'est
grâce au soutien de ces deux membres bienfaiteurs, le Docteur Joseph
Ayrignac et Monsieur Jean Chantegrelet que Cabrettes et Cabrettaïres
a commencé à acheter du matériel chez Martin Cayla
et donné quelques subventions à François Hugon et
René Rouquet pour la fabrication de la Cabrette.
Les premières réunions pour jouer ont eu lieu au "Bal
des Familles" rue de Lappe, puis au bout d'un an, aux "Barreaux
Verts " chez M. Darde et enfin à "La Galoche d'Aurillac",
un petit restaurant tenu par la famille Bonnet.
"La Galoche d'Aurillac" devient le siège social de l'association
et le siège de l'école de Cabrette sous la direction de
Georges Soule. Pendant vingt cinq ans, les membres de l'Association se
retrouvent tous les vendredis pour partager leur répertoire. "La
Galoche d'Aurillac" est l'antre de la colonie et de la musique auvergnate
à Paris.
Pour assurer sa mission, l'association se structure : François
Hugon est chargé de la fabrication des sacs et des soufflets, René
Rouquet de la réalisation des pieds et des anches. Georges Soule
assure l'enseignement. Le premier Banquet a lieu le 12 janvier 1957 à
13 heures, à "La maison des journalistes", 35 rue du
Louvre dans le 1er arrondissement sous la présidence de Louis Bonnet,
Président de la Ligue auvergnate et du Massif Central.
Marcel et Albert Marginier qui, depuis 1957, effectuent de nombreuses
études et relevés, produisent leur premier pied en 1962.
La qualité de fabrication, la justesse et la sonorité de
leurs pieds, en font encore aujourd'hui, l'un des facteurs les plus fameux.
En 1961, Georges Soule, appelé familièrement "Jojo",
préside aux destinées de l'Association. Il consacre 18 ans
de sa vie à l'enseignement et à la promotion de la Cabrette
à Paris comme en Province. Tous les responsables et animateurs
d'Amicales lui doivent beaucoup. Aujourd'hui nombreux sont ceux qui se
réfèrent à son école et à son enseignement.
Tous les jours, sa Cabrette dans sa serviette, "Jojo" s'en va
de Paris à Rueil, de Clamart à Créteil, donner à
ses élèves l'heure de leçon hebdomadaire gratuite
; quatre ou cinq par jour, une quinzaine par semaine. A domicile. Qui
aujourd'hui peut se vanter d'en faire autant ? En tout, il a formé
quatre vingt quatre élèves dont Louis Rispal.
Il organise
le premier concours National de Cabrette en 1961. Il comporte deux catégories
: la catégorie débutants et la catégorie confirmé.
Le nombre de candidats est de plus en plus important aussi, il crée
la récompense "Médaille d'Or" en 1967. Depuis,
année après année, le niveau ne cesse d'augmenter,
aussi bien dans la qualité des interprétations que dans
le choix des morceaux.
Le samedi 28 septembre 1968, le banquet des Cabrettes qui ouvre le grand
défilé des banquets amicalistes de la région parisienne,
réunit plus d'une centaine de convives. Jojo rassemble autour de
lui des vedettes prestigieuses de la Cabrette, de la vielle, et de l'accordéon
: Marcel Bernard, Jean Ségurel, Adolphe Deprince, René Remise.
Melle Françoise Thoumieux est Pastourelle de la Ligue et Henri
Chaliès reçoit ce jour là la médaille du Mérite
Amicaliste.
En 1970, il crée une section accordéon animé par
Pierre Roux. René Joly lui succédera en 1973. Cette année
là, Jean Marginier, frère d'Albert et de Marcel, contribue
aux desseins de l'association en se chargeant de la fabrication des sacs
et des soufflets puis des anches.
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Bien entendu, selon
la tradition, tout est fait main. L'excellence de la fabrication en fait
encore aujourd'hui une référence.
En 1971, Georges Soule, crée le Stage de Cabrette de Saint Flour.
Dès lors, il y a un renouveau, un intérêt grandissant
pour cet instrument, à une époque où les guitares
électriques prennent le pas sur les instruments traditionnels.
Cette même année, Louis Bonnet Président de la Ligue
auvergnate et du Massif Central lui propose d'adhérer à
la confédération ; la motion est rejetée à
l'unanimité par les membres du bureau.
En 1976, parallèlement au stage de vielle qui existe depuis 1969
sous la direction de Gaston Remise, G. Soule dirige le premier stage de
Cabrette de Confolens.
Le samedi 24 janvier 1976, accompagné de Louis Bonnet, du secrétaire
général de la Ligue Auvergnate et de quatorze pastourelles,
il a le privilège d'offrir une Cabrette de facture Marginier à
Monsieur Valéry Giscard d'Estaing Président de la République
Française pour son cinquantième anniversaire.
Georges Soule décède en 1979. C'est son plus proche collaborateur
Marcel Marginier qui lui succède.
Marcel Marginier est avec ses frères l'un des plus anciens et des plus
fameux facteurs de Cabrette du 20e siècle. Ils font partie de la grande
lignée des fabricants. Leurs instruments sont très connus et très appréciés.
Lorsque Jojo décède en 1979, il est depuis trois ans président de Cabrettes
et Cabrettaïres et Président de la Bourrée de Paris. Présidence qu'il
assume après le décès de M. Costes. A cette époque et depuis sa création,
la Bourrée de Paris est filiale de la Ligue Auvergnate et du Massif Central.
Louis Bonnet qui s'est vue refuser deux fois la filiation de Cabrettes
et Cabrettaïres, reformule la demande. Marcel Marginier refuse l'affiliation
mais accepte que la société adhère à la ligue Auvergnate et du Massif
Central.
En effet, à cette époque, l'association voit apparaître l'émergence des
musiciens routiniers et elle pense que le fait d'avoir un organisme de
tutelle pourrait l'aider, si besoin est, à conserver son indépendance,
son unité, sa vocation et sa philosophie. Louis Bonnet Président de la
Ligue Auvergnate et du Massif Central, lors du Comité Directeur accueille
favorablement la demande. Le 11 octobre 1979 l'association adhère à "Ligue
Auvergnate et du Massif Central". En 1980, l'association participe à la
"Rencontre des Ménestriers" à Saint Chartier dans l'Indre. Marcel Marginier
réalise l'exploit de faire jouer dix huit Cabrettes à l'unisson. La presse
locale en fera l'écho d'une première mondiale !
Sa passion pour la Cabrette, le pousse à faire évoluer l'instrument dans
l'interprétation des morceaux. Il demande à René Joly de réaliser des
arrangements à plusieurs voies afin de pouvoir les jouer à plusieurs Cabrettes.
Le résultat est étonnant et confirme que la Cabrette est un instrument
de musique à part entière. Marcel Marginier quitte l'association en février
1984 et décèdera en novembre 1985. La présidence est confiée à Guy
Letur. Guy Letur est l'un des plus fidèles "piliers" des réunions
du vendredi soir à "La Galoche d'Aurillac". Il est membre de l'association
depuis 1959 et intègre le bureau en 1961. Il excelle aussi bien à l'accordéon
qu'à la Cabrette. 
Cabrettaïre de talent, c'est à seize ans qu'il prend ses premières leçons
avec Georges Soule. Il obtient le 1er prix avec médaille d'argent de la
catégorie "Confirmés" au Concours de Paris en 1967. En 1985, sous son
impulsion, l'association "Cabrettes et Cabrettaïres" devient filiale de
la "Ligue Auvergnate et du Massif Central" dont Raymond Trébuchon vient
d'être élu Président. Avec Guy Letur l'amicale prend un nouvel essor,
plus jeune et plus dynamique que ses prédécesseurs, il n'hésite pas à
multiplier les manifestations, en attirant les plus jeune. Son enthousiasme
est communicatif et crée une émulation favorable à l'évolution et aux
progrès de la Cabrette. Les activités de l'Association s'affinent et s'étoffent.
Celles-ci permettent d'assurer l'enseignement de la Cabrette, de l'Accordéon,
et de la Vielle par des cours bimensuels.
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Plus structurés,
les cours sont individuels pour un meilleur apprentissage de la technique
instrumentale. Ils répondent à une demande d'enseignement couvrant un
large champ pédagogique, s'étendant des enseignements initiaux au perfectionnement,
à la découverte des sonorités et des techniques de nos Maîtres, mais aussi
l'interprétation contemporaine de l'instrument. L'association met gratuitement
à disposition des nouveaux élèves un instrument qui leur permet de suivre
les cours sans avoir à investir immédiatement dans l'achat d'un instrument.
Le stage de Cabrette de Saint Flour perdure et prend un essor considérable.
Il accueille plus de quatre vingt participants durant une semaine en pension
complète. Il y intègre l'enseignement de la Vielle et de l'Accordéon.
Il est accessible à tous les niveaux.
Guy Letur crée les "Veillées Cabrettes" qu'il organise tous les deux mois.
Ces veillées permettent d'écouter de jeunes talents et de danser la bourrée.
La soirée se termine autour des produits de "La Galoche d'Aurillac" que
l'on déguste avec son "Laguiole" sans oublier le verre de l'amitié. Le
Concours National de Cabrette de Paris, organisé tous les trois ans prend
un nouvel envol ; avec le soutien de la "Ligue Auvergnate et du Massif
Central", il réunit plus de soixante candidats venus de tous horizons
et de tous âges. 
En 1993, il crée les "Baladins de l'Auvergne" avec lesquels il sillonne
l'Auvergne jusqu'au Casino de Paris. Partout où les Baladin se produisent,
c'est un franc succès ; les salles sont combles. En 1996, il relance les
soirées où les musiciens se retrouvent pour partager leur répertoire à
"La Guinguette Auvergnate" chez Jean-Pierre Vic à Villeneuve Saint Georges.
Ces rencontres ont lieu tous les premiers vendredis de chaque mois. Cette
même année, sous son impulsion, l'association publie un livre "Comment
fabriquer sa Cabrette". En effet, pour que les générations futures ne
vivent pas en spectateurs les temps qui viennent, il demande aux facteurs
de Cabrette d'écrire leur savoir dans l'histoire. Cet ouvrage de vulgarisation
n'a pas la prétention d'enseigner mais plutôt de conseiller. Le lecteur
y trouve les éléments nécessaires à la compréhension et à l'utilité des
différents ensembles constitutifs d'une Cabrette et les indications précieuses,
utiles et indispensables au "bricoleur" ou au "professionnel" désirant
se lancer dans la fabrication de la Cabrette.
En mai 1997, il organise un stage de Cabrette, d'Accordéon, et de Vielle
en région parisienne. Aménagé sur un week-end en pension complète, il
rassemble une quarantaine de participants.
C'est le 14 août 1998, que naît la première fête de la musique auvergnate
à Pierrefort. Guy Letur veut rassembler et créer un lien d'amitié entre
les musiciens de Paris et ceux du pays. C'est un vrai succès ; il réunit
sur scène plus de cent vingt musiciens ! Quatre cent cinquante convives
assistent au banquet.
Guy Letur participe activement aux réunions de la Commission du folklore
et du Comité de la Ligue Auvergnate et du Massif Central. Le Banquet annuel
connaît un succès grandissant.
Au cours de l'assemblée générale du 3 mars 2006, Guy Letur confirme sa
décision de remettre son mandat de Président après 22 années d'un dévouement
sans faille. Il a su par son travail, son dévouement, son intelligence
et son caractère donné un nouvel élan à l'association.
Aujourd'hui l'association Cabrettes et Cabrettaïres, sous la direction
de Victor Laroussinie, comprend trois cent sociétaires et enseigne la
Cabrette à une quarantaine d'élèves. La fabrication des pieds de Cabrette,
sacs, soufflets et anches est assurée par Roger Servant, Jean-Louis Claveyrole
et Victor Laroussinie.
L'œuvre de "Cabrettes et Cabrettaïres" est comparable à un iceberg dont
on ne voit qu'une faible partie lors des manifestations culturelles. On
peut dire, sans exagérer et dans la plus grande étendu du terme, que l'association
"Cabrettes et Cabrettaïres" est l'unique conservatoire de la Cabrette
dans le monde.
Merci à Jacques Berthier, Jean-Louis Fournier, Roger Aldebert, Christian
Boissonnade, Yvonne Franques et Guy Letur pour leur témoignage. 
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